Bifrost 88 : Greg Egan

Le vertige de la science

« Mon but initial était d’écrire un conte anti-faustien sur la technologie, notamment à cause de ce cliché répandu qui m’agace : les humains seraient si bourrés de défauts et la technologie serait si corruptrice que cela nous mènerait à la ruine. »  Greg Egan au sujet d’Oracle.

Je n’ai pas de grandes affinités avec les textes de Greg Egan, conclusion tirée des lectures de ses recueils de nouvelles publiées au Bélial, et ayant lu et chroniqué Céres et Vesta. Autant je reconnais l’immense qualité de ces récits du point de vue sciences et techniques autant mon petit cœur s’assèche devant l’aridité émotionnelle de ceux-ci. Cependant cette phrase me touche beaucoup, changeant sensiblement ma vision de l’auteur et de sa prose. Je partage le même agacement que lui concernant la littérature qui se complait dans ce pessimisme bon ton (et consensuel).

Voici donc un dossier, s’il est vrai que beaucoup d’informations sont disponibles sur le net,  a réussi à me faire changer d’opinion au sujet d’un auteur.

Au sommaire de ce Bifrost :

  • L’éditorial d’Oliver Girard
  • La dernière plume de Matthew Kressler
  • La vallée de l’étrange de Greg Egan
  • Carnets de bord : Critiques en tout genre
  • Paroles de ….
  • Interview de Greg Egan : chose rare
  • La fin des certitudes
  • Greg Egan par 42
  • Guides de lecture et bibliographie
  • Scienti-fiction : La roue dans l’espace
  • balbla

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Réception du jour

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Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous découvrons  l’éditorial d’Oliver Gérard en forme  d’appel appuyé – ou un cri de détresse – à l’audace, à l’imagination, à la SF(FF). Très peu de textes francophones à se mettre sous la dent. Du moins pour les standards de la revue. Un fait, qui en soi, reflète l’état de la littérature de l’imaginaire en France….

Les nouvelles

  • La dernière plume de Matthew Kressler

L’un des ultimes -ou le dernier ? – romancier humain choisit de s’éteindre sur une planète colorée et paradisiaque. Il y rencontre Poisson, une jeune fille pétillante et curieuse. Un lien mentor élève s’établit rapidement entre eux et au soir de ses jours, l’espoir d’avoir transmis un témoin l’emporte sur sa propre fin.

Récit émouvant, très visuel avec une note douce-amère. Cette nouvelle courte s’avère une belle découverte qui nous fait voyager et nous raconte une histoire.

  • La vallée de l’étrange de Greg Egan

Une nouvelle tout à fait dans les registres de l’auteur australien, avec un petit plus, ses personnages sont palpables et transmettent de l’émotion. Ici, l’identité est centrale dans le récit d’Adam. Nous accompagnons ses premiers pas à l’issue d’un réveil assez énigmatique, puis dans le choix de son costume pour ce rendre à une cérémonie funèbre. Enfin, nous comprenons : il s’agit presque de la sienne. Presque car ce n’est pas Adam qui est mort mais le vieux, un artiste de l’industrie cinématographique. Cet homme a transmis quelques souvenirs à Adam, à tel point qu’il est « lui » au moins à 70%. Bien entendu, la famille remet en cause le testament qui lui lègue la fortune du défunt, au motif qu’il n’est pas ce dernier, même ce pourcentage élevé… Mais où est le curseur ? Et finalement la perte de souvenir remet-elle en cause notre identité, disparaissons-nous?

Nouvelle très abordable, étrange et intéressante.

Le Dossier Greg Egan

  • Interview de Greg Egan. Le sieur voyage incognito, ses interviews sont rares, celle-ci date de 2011. Elle est indispensable. Je ne connaissais l’auteur qu’à travers une douzaine de textes qui s’ils m’avaient fait ronronner – et surchauffer parfois – les neurones, ne m’avaient pas franchement enthousiasmée. A l’issue de ma lecture, mon opinion a évolué. Je comprends mieux les motivations de l’auteur, la passion qui l’anime, et finalement ce qu’il cherche à atteindre à travers ses textes. Ardeur défenseur de la science, il choisit de mettre celle-ci en scène – ainsi que la réalité. Cette volonté est aisément lisible dans ces écrits, cependant, elle en est la matière vivante, le centre de gravité avant tout autre chose, indissociable de son pendant : l’homme (du futur). Sa vision est surtout positive et je reprendrais la citation :

« Mon but initial était d’écrire un conte anti-faustien sur la technologie, notamment à cause de ce cliché répandu qui m’agace : les humains seraient si bourrés de défauts et la technologie serait si corruptrice que cela nous mènerait à la ruine.« 

  • La fin des certitudes. L’analyse de l’œuvre de Greg Egan par rapport à l’homme du futur ainsi que ses thématiques de prédilection tournant autour du concept d’incertitude qui l’accompagne. Un article intéressant qui brosse en détail ces différentes facettes mais qui permet d’affiner notre propre perception de ses récits- quand nous ne sommes pas un spécialiste de l’auteur évidemment.
  • Greg Egan par 42 : un entretien au sujet de l’auteur, en forme d’analyse de l’œuvre. Intéressant mas pas autant que l’interview de Greg Egan
  • Guides de lecture et bibliographie. Les recueils de nouvelles puis les critiques des romans sont repris dans ces deux articles, la bibliographie complète l’ensemble.

Carnets de bord

Objectif Runes : Critiques des dernières sorties. Pas mal de bouquins sont déjà lus pour ma part ou sélectionnés grâce aux blogopotes. J’y ai pioché Os de lune de Jonathan Caroll ainsi qu’Étoiles Rouges.

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Pourquoi écrire tant de bouquins ???!!!

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Pas de surprise niveau critiques; le niveau d’exigence et le degré de sévérité sont toujours en harmonie à tel point que je me demande si la revue cherche à toucher un public plus large – ou pas. Enfin, j’ai trouvé certaines d’entre elles particulièrement dures et élitistes. La Sf n’est-elle pas un genre un peu populaire ? Ne doit-on la « réserver » qu’à une « élite » ? Corrélativement, certains romans n’ont-ils pas l’avantage/vocation de s’adresser justement à un public moins aguerri? N’y-a-t-il pas une certaine forme de didactisme dans la lecture ? Enfin, tous les romans ne doivent-ils être jugé qu’à l’aune de l’expérience science-fictive?

Bref, je m’interroge…

Le coin des revues : rien à sauver.

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Ah c'est Non tout ça

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Les rubriques habituelles

  • Paroles de …. illustrateur et libraire.  Deux interviews pour approfondir la connaissance de Caza et un point de vue du métier de libraire
  • Scienti-fiction : La roue dans l’espace. Les vaisseaux spatiaux du futur et la gravité artificielle – intéressant question vulgarisation, mais les mordus de Hard-Sf maîtriseront déjà l’ensemble de ces aspects.
  • balbla

 

Ce numéro de Bifrost consacré à Greg Egan permet de se familiariser avec l’écrivain de Hard-SF. Le dossier, complet, soulève quelque peu le voile au-delà de l’auteur et dévoile un homme passionné, positif ainsi qu’un des meilleurs défenseurs de la science dans son rapport à l’homme. Ce panorama a fait sensiblement évoluer ma vision de l’auteur, et il y a bien longtemps qu’un Bifrost ne m’avait pas enchantée de la sorte. J’en ressors avec l’envie de lire du Greg Egan, avec un philtre plus adapaté.

Autres critiques :

le chien critiqueXapurLecture 42

35 réflexions sur “Bifrost 88 : Greg Egan

  1. Oh bordel, j’ai failli faire une crise cardiaque… Tu écris sur tes Bifrost ??? Et en ROUGE en plus ? Sacrilège !

    Sinon, moi je suis bien content qu’il y ait encore des gens en France pour écrire des critiques « dures » et… je ne dirais pas élitistes, mais en tout cas ultra-exigeantes. Je pense que s’il y avait plus de recensions sans concession comme celles de Bifrost, peut-être que le niveau de la SFFF française remonterait un peu. J’ai vu passer une interview d’Olivier Girard récemment où il disait que sur 700 manuscrits de SF reçus par an au Belial’, l’écrasante majorité naviguait entre le mauvais et le vraiment très mauvais (et j’ai d’ailleurs beaucoup apprécié que quelqu’un ait le courage de dire ce qu’il pensait réellement de la prod’ française moyenne, surtout en plein mois de l’imaginaire). Donc j’espère bien que Bifrost va garder ce niveau d’exigence et de sévérité !

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    • Non,non.
      J’écris sur un Bifrost Greg Egan, grosse nuance!!! 😉
      Pourquoi en rouge ?

      Je suis presque en total accord avec toi quand à la qualité de la revue. Ce n’est pas le degré d’exigence que je souhaite voir revu à la baisse, pas du tout. Tu sais bien que je trouve que la SFFF française est d’un niveau moyen médiocre.
      C’est sur la sévérité qui parfois confine à la méchanceté ou cela me dérange. Travail il y a, et il faut le respecter. Il y a des choses que l’on peut dire, même en étant sévère – voire très sévère – mais jeter par la fenêtre avec mépris, j’ai un peu plus de mal.

      Exemple avec le dernier Jo Walton qui ne sert strictement à rien en conclusion, qui globalement ne méritait ni d’être lu, ni d’être publié, faut lire Balzac ou Austen à la place. Oui. OK. Combien de romans hommages doit-on balancer à la benne dans ce cas ?
      Et juste le fun ou tu passes un bon moment ? Aussi? N’est-ce pas un bon moyen d’amener à lire les originaux?
      Et je parle pas des romans de SF militaire qui en prennent plein la tronche.
      Les revues, il n’y a jamais rien à sauver,…

      Donc, non je ne veux absolument pas que le Bélial transige avec son exigence en matière de qualité car comme toi, je pense que cela tire vers le haut la SFFF française.
      En revanche, je rêve de quelque chose d’un peu plus ouvert dans les critiques.
      Tu remarqueras que je n’ai fait ces remarques qu’au sujet de carnet de bord. 🙂

      Peut-être queje modifierai légèrement mon propos pour que ne transparaisse pas l’idée que je souhaite que les standards ou les attentes de Bifrost et Le Bélial chutent, mais qu’ils aient un peu plus d’ouverture?
      Ce sera mieux, non ?

      Merci APo, j’adore discuter avec toi! 🙂

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  2. Tu écris sur tes Bifrost ???… 0_o Tu vas en faire criser plus d’un (Apophis c’est déjà fait ! 😀 ) !

    Oui Bifrost est parfois dur, c’est sa marque de fabrique, faut savoir encaisser (pour les auteurs concernés), et s’y faire (pour les lecteurs). On aime ou pas, mais c’est le style Bifrost.

    Un numéro intéressant a priori, j’ai toujours eu un peu de mal avec Egan mais visiblement l’interview permet de mieux cerner l’auteur, c’est intrigant (autant qu’il l’est lui même, « inconnu » finalement, peu d’interviews, pas de photos, etc…).

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  3. Tu l’as englouti dis donc, moi je viens juste de le recevoir.
    Je suis pas forcément client de Greg Egan (et sa froideur) donc ce numéro m’intéresse moyennement, mais je vais le lire par curiosité.

    La sévérité ne me gène pas tant qu’on sait qu’ils sont cette tendance, même quand je suis pas d’accord avec eux (ou parfois ils sont bienveillants avec des livres pour lesquels j’ai été sévère, comme la Messagère du ciel dans celui-ci). Mais j’avoue que quand ils descendent un bouquin que j’ai détesté ça fait son petit effet sadique 😀 (coucou Eos).

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    • Oui, il ne devrait pas tarder. Disons que je trouve la sévérité un brin variable et pas mal d’indulgence avec de la SF qualifiée d’humaniste même si l’histoire est moyenne.
      Ah!ahah! Sadique, va. Mais venons d’un ours cela n’a rien de surprenant. Ils sont réputés pour être féroces.

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  4. Pareiil que toi, j’aime écrire sur mes bifrost. C’est une bonne revue mais ce n’est pas la pléiade non plus !
    Ton avis me rappelle que j’ai oublié de me réabonner. Et pas de bol, c’est un numero qui rehausse le niveau des derniers. Il ne me reste plus qu’à acheter la version epub.
    Concernant les critiques, je trouve que c’est leur point fort et leur point faible. Je m’explique : j’aime le coté non policé qui change des avis souvrnt trop commercial d’autres revues. Cependant, comme elles sont écrites par differents chroniqueurs, il faut les connaitre pour se faire un réel avis.
    J’aimerai connaitre aussi comment s’effectue le choix des chroniqueurs pour tel ou tel livre. Si on me demande de chroniquer un Weber, on se doute du résultat que cela va donner. Par contre si on te choisit pour le même livre, l’avis sera complètement différent. ..

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    • Je m’aperçois que je ne suis pas la seule à écrire dans mes bifrost, un instant je me suis crue d’une branche alien…. 😉

      Et bien oui, car celui-ci est plutôt un « bon » numéro. J’ai pas franchement été emballée par le dernier.

      Je te suis sur l’aspect libre de ton que j’aime assez des critiques. Tu soulignes judicieusement un point. Une grille de lecture des chroniqueurs seraient un plus énorme. Car quand tu ne connais pas, tu ne sais pas exactement si les sensibilités et les attentes se recoupent. Effectivement, je crois sans me fourvoyer que nos chroniques concernant un Weber seraient sans doute diamétralement opposées!!! LOL
      Sur ce spectre de la SF qui est particulier, nos attentes divergent, mais elles se recoupent sur d’autres zones de la sf. (d’ailleurs, sur mon bifrost à un moment je l’annote en fonction d’une de tes critiques.)

      J’aimerai aussi savoir comment la répartition est faite. Pour des livres de Sf militaires, je ne comprends pas pourquoi les romans sont régulièrement chroniqués par un collaborateur qui n’aime visiblement pas le genre…

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  5. Tu fais jaser avec tes coups de stylo rouge sur le Bifrost !

    J’attends mon exemplaire numérique, la version papier se trouve en France loin de moi !

    Hâte de lire ce numéro, je suis curieux de lire le dossier sur Greg Egan avant de me plonger, pourquoi pas, dans quelques-unes de ses œuvres, avec, comme tu le soulignes, un philtre plus adapté. Je le chroniquerai, pour la forme, mais j’espère chroniquer aussi d’autres revues (je dois avoir 5 galaxies de retard :s).

    Pour les critiques cela ne me gêne pas trop, mais c’est vrai que je n’aime pas trop le ton de certains. Je pense qu’on peut être exigeant sans être méprisant, savoir mettre les formes est important. Pour moi le ton souvent élitiste est justifié, dans le sens où la spécialisation conduit à être plus tatillons et plus pointilleux. En fait, tout dépend de ce que l’on cherche, si on veut quelque chose de plus généraliste et plus light ce n’est clairement pas chez le Bifrost qu’il faut se rendre.

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  6. Je partage ton agacement vis-à-vis du côté trop pessimiste (et con-sensuellement pessimiste) de la SF. Ce serait intéressant qu’elle ose davantage montrer ce que pourrait être le bon chemin du développement scientifique.
    Je partage aussi ton avis sur Greg Egan. Il est époustouflant sur sa façon de traiter les questions scientifiques, mais il manque de style littéraire, et de façon d’approfondir les personnages.

    Aimé par 1 personne

    • Ah! je finissais par croire être la seule à ne pas apprécier cette vision unique et pessimiste de l’avenir! Je suis persuadée que l’avenir peut nous réserver de nonnes surprises, et que nous devrions explorer davantage cette voie.

      Oui, Greg Egan m’a toujours un peu déçue sur le plan des personnages.

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