Un pont sur la brume – Kij Johnson

Un Pont sur la Brume de Kij Johnson

Le Bélial, Heure-Lumière

L’Empire décrit par Kij Johnson est coupé en deux. En effet un obstacle naturel extrêmement difficile à franchir sépare les deux contrées. Une gorge large et profonde est emplie d’une brume dense et corrosive qui ne permet aux voyageurs de traverser cette balafre ancestrale qu’à leurs risques et périls. Non seulement, rien ne résiste à cette vapeur acide et tourbillonnante, mais l’abîme est peuplée d’une faune étrange et mystérieuse dont des géants qui renversent tout sur leur passage.

Le gouvernement de l’Empire décide de remédier à ce frein naturel en construisant un pont sur la brume. Les conditions étant particulièrement ardues à « contourner« , il embauche un architecte de renom, Kit Meinem d’Atyar. Les travaux vont durer 5 ans et exiger de passer d’une rive à l’autre sur un bac piloté par l’impétueuse Rasali Bac.

Ces années à vivre parmi les autochtones permettrons à Kit d’apprendre à les connaitre, à les comprendre, à les apprécier et finalement à les aimer. Surtout l’une d’entre eux, la plus téméraire et la plus vivante, celle qui a tout à perdre avec l’achèvement du pont sur la brume.  Arrivera-t-il à briser la carapace de Rasali  et à établir une connexion avec la jeune pilote du bac? A travers quelques flashbacks, Kij Johnson étoffe son personnage principal, pour lequel l’achèvement de cette infrastructure permet de faire le lien entre son passé et son futur, tout en ouvrant une voie  nouvelle pleine de promesses et de piment.

Ce pont va également bouleverser la vie et l’avenir des habitants de l’Empire, mais sans doute plus profondément encore pour la jeune Rasali qui perd, du fait de cette prouesse technique, sa raison d’être. En effet, jusque là sa fonction de pilote de bac la définissait forçant l’admiration de ses compatriotes. Mais paradoxalement, cette perception la cantonnait dans ce statut (tout comme pour Kit) et l’enfermait dans une attitude téméraire.  En fait, les protagonistes sont à peine conscients de ce cloisonnement, ils ne font que remplir un rôle pour lequel ils sont attendus, comme tout les autres pour qui tout est écrit et tracé.  C’est l’achèvement du pont qui leur ouvre d’autres opportunités comme la prise de conscience de leur potentiel. La liberté, Rasali ne la trouvait que dans le danger, dans l’affrontement avec les éléments qui la dépassaient aux commandes de son bac. Son bac : contour et limite de son être social !

Rien d’étonnant à découvrir une ville nommée Procheville sur une rive, et Loinville sur l’autre, à l’image de la symbolique mise en place par Kij Johnson, puisque dans cette contrée, chaque chose et chaque être est défini par sa fonction première. Un monde comme beaucoup d’autre, où la population ne voit pas plus loin que son horizon proche. Il faut donc un pont pour franchir cet obstacle naturel et psychologique.

Les symboliques liées à ce pont sont nombreuses et offrent des thématiques intéressantes à cette novella, il appartiendra au lecteur de les faire siennes.

J’avoue que les 20 premières pages m’ont laissée perplexe, surtout après la lecture de L’homme qui mit fin à l’Histoire de Ken Liu. J’avais entre les mains le récit de la construction d’un pont entre deux rives séparées par un cordon corrosif de matière évanescente. Et lors de la lecture de ces quelques pages, je me demandais bien : comment la description de la construction d’un pont pouvait avoir soufflé le prix Hugo à Ken Liu…?

Mais voilà, Kij Johnson parvient à envoûter le lecteur malgré lui. L’auteur possède une magie qui lui permet non seulement de charmer notre esprit mais aussi de nous toucher au plus profond de notre âme.

Un moment magique pour une histoire intemporelle. Avec ces deux derniers titres, voilà une collection bien lancée!

PS : si j’en avais les moyens je recommanderai la lecture de cette novella à tous  les aspirants managers (ainsi qu’aux écoles et organismes de formation en management) afin qu’ils fassent la différence entre autorité et autoritarisme, leadership et tyrannie.

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26 réflexions sur “Un pont sur la brume – Kij Johnson

  1. J’aime beaucoup les éditions du Belial, le premier roman que j’avais lu édité par eux était Hadès Palace dont je garde un souvenir très frais 10 ans après. En lisant ton analyse j’avais l’impression que ce roman est un mixte de pleins de romans fantastiques et SF, « Les symboliques liées à ce pont sont nombreuses et offrent des thématiques intéressantes à cette novella, il appartiendra au lecteur de les faire siennes. » souligne un peu cette théorie ou par symbolique tu ne parlais pas du tout d’influences?

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    • Pour ce roman, les symboliques sont très nombreuses, dont des influences certaines dont beaucoup en Sf et fantasy, mais j’ai également eu l’impression qu’il piochait dans la littérature blanche également.
      Très riche ce Pont!
      Oui, j’aime beaucoup la ligne éditoriale du Bélial. Je crois qu’en proportion de leurs parutions, ce sont sans doute eux qui arrive en tête dans mes emplettes et dans ma bibliothèque.

      Aimé par 1 personne

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