Le Voleur – Claire North

La Maison des Jeux, tome 2

Le Bélial – UHL

Bangkok, 1938.
Remy Burke, membre madré de la Haute Loge, qu’il pratique depuis un demi siècle, reprend conscience dans la moiteur de sa chambre d’hôtel après une nuit trop arrosée. Beaucoup trop. Il s’est fait manœuvrer et a accepté le défi du redoutable Abhik Lee. Avec en guise d’enjeu le plus précieux des biens : sa propre mémoire, misée dans une partie de cache-cache à l’échelle de la Thaïlande toute entière. Les règles sont simples : Lee dispose d’un mois pour dénicher Burke, après quoi, en cas d’échec, les rôles seront inversés. Une partie qui commence maintenant, tout de suite. Burke doit désormais courir… Éperdument.

Tel est pris qui croyait prendre

Remy Burke s’avère un joueur de la Haute Loge reconnu et particulièrement habile; le vaincre, quelque soit la nature de la partie engagée, est un véritable défi. C’est l’entreprise dans laquelle s’engage Abhik Lee, avec en poche quelques atouts relevés, et un très léger avantage sur la ligne de départ. Remi Burke se réveille avec une solide gueule de bois, et se souvient à peine des conditions de la partie promise. Argent, que nous avons déjà croisé dans le tome précédent, l’informe de la chose avec une certaine empathie.

La partie : cache-cache

Les enjeux: sa mémoire de son côté, et quelques années pour Lee.

Le terrain: la Thaïlande, lieu dans lequel un européen aura bien du mal à se fondre…

Nous voilà donc embarqués dans une course poursuite haletante. Il faut dire que les ingrédients sont tous réunis pour nous faire vibrer. Remy s’éveille en piteux état, un quart d’heure avant le déclenchement du chronomètre, il ne possède que quelques espèces, rien de suffisant pour espérer survivre aussi longtemps en terre quasiment hostile. Et, il lui faut s’exfiltrer de Bangkok, quadrillée par les « amis » de Lee, car autrement nous le verrions fait comme un rat.

Malgré des probabilités très faibles, nous y croyons!

En effet, Claire North brise à nouveau le 4° mur, non pas pour nous prendre à témoin, mais pour nous aspirer dans un rôle de proie, courant, s’enfuyant, se précipitant dans les pas de Remy . Peut-être sommes-nous moins complices du protagoniste principal que lors du premier tome, mais c’est pour mieux épouser ces sensations d’être chassé(L’aventure est échevelée, dégageant une saveur de fuite en avant éperdue).

Néanmoins, nous restons comme dans Le Serpent, des espions dans l’âme, des conspirateurs attendant que la vraie partie commence, celle qui présente la plus grande importance; de quel côté serons-nous ? Choisirons-nous froidement en se fiant à la longévité et la puissance, ou parierons-nous en misant sur l’impétuosité et la hardiesse?

En effet, ce tome ne se concentre pas uniquement sur cette partie de « cache-cache » passionnante et dépaysante, il poursuit le long des jalons déjà plantés précédemment, où la genèse d’un affrontement unique, épique clôturait Le Serpent.

Une rivalité qui se précise

Claire North parvient à enrichir son univers par petites touches, avec quelques allusions et passages distillés avec une justesse de métronome, comme si elle possédait une oreille absolue pour intégrer des touches au moment le plus adéquat, tout en appliquant la maxime : « n’écrivez pas, montrez. » Car, éviter de s’écarter d’une demi-mesure de cette partition n’est pas chose aisée dans cette partie de cache-cache qui ressemble bien plus à une course pour la vie qu’à un jeu aux forts enjeux. J’admire une telle maîtrise du récit et qui participe aussi à la construction de La Maison des Jeux.

Ainsi, apprenons-nous divers détails relatifs aux pratiques de la institution. Nous savions déjà que l’échiquier n’était nul autre que la surface du globe, les pièces et pions, des personnes (comme dans la politique) puissantes ou encore le mendiant qui observe tout, les parties diverses et d’une durée très variable. Les enjeux, quant à eux, peuvent revêtir des formes que seule l’imagination limite. Lorsque la Maison joue les intérêts des nations, nous envisageons avec justesse un territoire, ou encore pour le gain d’une élection, une fortune ou d’autres arrangements bien commodes. Qu’en est-il pour ces joueurs de la Haute Loge que de tels intérêts indiffèrent souvent ?

C’est là une réponse pleine de saveur, et que je ne compte pas vous dévoiler, néanmoins ces détails participent à l’enrichissement de cet univers tout autant qu’à son originalité.

Le Voleur est tout aussi enthousiasment que le Serpent dans cette trilogie de La Maison des Jeux; un tour de force magistral car, Claire North parvient à changer complétement de cap tout en restant fidèle à la promesse du premier tome. Une trilogie qui se place très haut dans la collection UHL.

En revanche, je serai très déçue si nous ne voyions pas Argent dans Le Maître…

Merci aux éditions Le Bélial pour l’envoi de la novella, j’avais tant adoré le premier tome que je m’inquiétais sur le deuxième, mais quelle réussite!

Les autres tomes :

1- Le Serpent

3- Le Maître

Ce livre est pour vous si :

  • vous aimez les formats courts
  • vous recherchez une intrigue haletante
  • Une immersion réussie

Je vous le déconseille si :

  • Le 4° mur brisé provoque un véto de principe
  • vous n’aimez pas qu’un roman navigue entre les genres
  • Vous préférez colin-maillard

Autres critiques :

OrionMon TrollRemy marche à l’Ombre – le nocher des livres – Le BibliocosmeGromovar – Le Maki233°C

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Le Voleur de Claire North

Encore une réussite aussi pour Aurélien Police dont la couverture reflète à merveille le roman, et chapeau à Michel Pagel pour la qualité de la traduction que l’on ne voit pas.

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